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Le génocide des Tziganes.
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Jeu 18 Déc 2008 18:17
Message Re: Le génocide des Tziganes.
L’HORREUR NUE - Serge André
Préface de Michel Gross


Raul Hilberg, auteur d’un ouvrage magistral sur la « solution finale », avait coutume de dire qu’il avait cessé de se poser de grandes questions, de crainte de ne pouvoir y apporter que de petites réponses.

Comment, en effet, ne pas se sentir impuissant devant l’énormité d’un crime aussi absolu, aussi délirant que celui de l’extermination des Juifs (et d’autres ethnies) par les nazis ? Face à la monstruosité et à l’horreur, les mots font défaut, les explications défaillent et nous nous sentons à bon droit d’invoquer une dimension d’indicible ou d’insondable, qui, en définitive, serait étrangère à l’humanité. Et pourtant, ce sont des êtres humains qui ont créé le système qui a engendré l’Holocauste et ce sont des êtres humains qui l’ont froidement mis en œuvre.

L’énigme reste donc entière. Cela explique sans doute que bon nombre d’études qui ont été consacrées à la solution finale depuis 20 ans, dans le sillage des travaux pionniers comme celui de Hilberg, ont porté davantage sur l’enchaînement des faits que sur leur signification.

Le « comment » cela s’est passé a pris le pas sur le « pourquoi ». En consacrant leurs efforts à reconstituer dans les moindres détails les étapes de la tragédie, à défricher les rouages de l’État nazi ou les arcanes de la bureaucratie, les spécialistes ont délaissé du même coup l’analyse des causes premières. Si elle a eu incontestablement le mérite de faire avancer la connaissance historique, la spécialisation des études a conduit paradoxalement à une dilution des responsabilités et à une banalisation du nazisme. À lire certains historiens allemands, par exemple, la « solution finale » aurait été décidée et exécutée par des technocrates de second rang, confrontés pour ainsi dire à un problème d’aménagement de territoire. Cette vision normalisée correspond sans doute à la thèse d’Hannah Arendt, selon laquelle le mal radical, « fruit d’un système où les hommes étaient devenus superflus », réside avant tout dans la modernité elle-même. Il n’empêche qu’elle passe sous silence l’emprise idéologique qui a incité ces hommes à prendre des décisions inhumaines comme s’il s’agissait de vulgaires problèmes techniques.

Allons plus loin. L’approche scientifique, universitaire, est-elle la plus apte à saisir les ressorts profonds du phénomène nazi ? On peut en douter. Plus elle dissèque les faits à la loupe, plus la signification des faits lui échappe. En définitive, c’est l’essence même du nazisme qui disparaît sous le traitement qu’on lui fait subir. Finalement, le nazisme devient une idéologie totalitaire parmi d’autres. En se voulant technique, dépassionnée et objective, la recherche s’est du même coup affranchie des conditions qui lui auraient permis d’approcher le sens de la Shoah.

Il n’est pas certain que sur ce chapitre, les philosophes soient mieux lotis. Qui ne connaît la formule célèbre de Hannah Arendt sur la banalité du mal ? Pour cette philosophe, la monstruosité d’un Eichmann, personnage falot et sans envergure, résidait précisément dans sa conformité avec ce que l’on attendait de lui. L’obéissance avait pris le pas sur la responsabilité morale. Eichmann était le rouage qui s’ajustait parfaitement à l’engrenage, étant entendu que pour Arendt, l’engrenage en question était le pouvoir bureaucratique et totalitaire. Mais à y regarder de plus près, ce zèle fanatique, cet esprit de corps, cette soumission absolue dont firent preuve un Eichmann ou un Rudolph Höss, le commandant du camp d’Auschwitz - dont un chapitre de l’ouvrage de Serge André livre une description saisissante -, sont-ils si ordinaires que ça ? Ne faudrait-il pas invoquer une autre dimension que la dissociation de la conscience propre à l’ordre technique pour rendre compte de la satisfaction qu’éprouvait un Höss à l’idée d’avoir livré son quota journalier de cadavres ?

Ainsi, une majorité d’historiens et de philosophes, entraînés par la logique propre de leur discipline, et privés des repères qui leur eussent permis d’approcher le sens de l’événement, se sont finalement retrouvés main dans la main pour réduire l’extrême singularité du nazisme. Ils l’ont tantôt perçu comme une variante du fascisme ou du totalitarisme (Nolte), tantôt comme une manifestation de l’emprise de la technique ou de la bureaucratie à l’époque moderne (Heidegger, Arendt). Ne sent-on pas, même confusément, que la vérité du nazisme est ailleurs ? Et que cette vérité insoutenable (mais pas nécessairement indicible) concerne notre condition humaine bien davantage que ne le feraient les sempiternelles invocations au Bien dont se repaissent nos principes éthiques ?

Le travail qui suit est celui d’un homme qui a cherché à comprendre le « pourquoi » de la Shoah. Serge André n’était ni historien, ni philosophe, ni spécialiste d’aucune sorte. Ce qui l’a autorisé à aborder ce sujet, c’est sa fonction de psychanalyste et c’est à ce titre qu’il propose une lecture différente du « drame du nazisme3 », qui constitue le point de départ de cet ouvrage.
Serge André commence par reconnaître un désir en acte, celui de Hitler. L’extermination des Juifs, dit-il, constitue l’essence même de l’hitlérisme, sa mission sacrée, son Alpha et son Omega. Pour que le nazisme triomphe, les Juifs doivent disparaître. Les deux destins sont indissolublement liés.

Pour s’en convaincre, il suffit de savoir que de sa première intervention politique (la lettre à Herr Gemlich du 16/09/1919) au testament rédigé quelques jours avant son suicide, le premier et le dernier mot de Hitler concernent les Juifs. L’acharnement à anéantir les Juifs s’est poursuivi sans relâche même lorsque le sort des armes fut largement scellé. On peut même affirmer que plus la guerre approchait de sa fin, plus la tâche d’exterminer ce qu’il restait de Juifs devenait urgente et vitale.

Certes, bien d’autres facteurs ont facilité la mise en œuvre de la solution finale. La machine bureaucratique mise en place par Himmler et Heydrich, les premiers revers subis par l’armée allemande sur le front russe, les problèmes logistiques liés à l’expansion territoriale, tout cela, bien sûr, a joué. Il n’en reste pas moins que la volonté de Hitler était inscrite dès l’origine.
Dès l’origine aussi (1919), Hitler prend soin de distinguer ce qu’il appelle l’antisémitisme « rationnel » de l’antisémitisme « sentimental ». Le premier, qui exige un règlement rationnel et définitif du problème juif, a ses faveurs. Au moment où il écrit ces lignes, il n’avance pas encore le terme de disparition ou d’anéantissement, mais il mentionne déjà l’extirpation totale des Juifs du sol allemand. Mein Kampf et les discours prononcés dans les années ’20 et ’30 donneront un sens de plus en plus précis à ce fantasme, devenu dans l’intervalle un mythe collectif, avec lequel Hitler se plaît à jouer.

Serge André distingue également deux phases dans le processus de destruction : celle des exécutions sommaires effectuées par les groupes de tuerie mobiles au fur et à mesure de l’avancée des troupes allemandes vers l’Est - et qui firent plus d’un million de victimes juives -, et celle des camps de la mort. Contrairement à ce qu’affirme un D.J. Goldhagen, c’est bien dans les camps de la mort que le sens profond de la Shoah éclate au grand jour : celui d’une mission sacrée que les nazis doivent exécuter impérativement et de la manière la plus mécanique possible, comme sous l’injonction d’un ordre venu d’en haut.

Autre point fondamental : en revendiquant ouvertement le terme de « Holocauste », Serge André souligne que la dimension sacrificielle est absolument centrale et consubstantielle au nazisme. On sait que, - à l’exception des anglo-saxons - la plupart des intéressés ont rejeté ce terme au profit du mot hébreu « Shoah » , notamment parce que « Holocauste » renvoyait à des connotations bibliques (le sacrifice d’Isaac). La thèse, défendue par les cercles religieux ultra-orthodoxes, selon laquelle le dieu des Juifs aurait sacrifié son peuple pour le punir de ses péchés, a toujours été, à juste titre, répudiée. Pareil pour celle qui prétendait que le peuple juif se serait lui-même auto-sacrifié (si l’on en croit la fable selon laquelle les Juifs seraient allés de leur plein gré à l’abattoir).

Alors, de quel sacrifice s’agit-il ? Et quel peut bien être ce dieu qui exige un tribut aussi lourd ? Pour Serge André, ce qui est inlassablement invoqué au travers des discours enflammés de Hitler, qui s’est fait le porte-voix d’un fantasme, c’est bien l’auto-sacrifice du peuple allemand lui-même. Hitler exige de chaque Allemand - ou plutôt, il le persuade que c’est bien ce qu’il désire -, le sacrifice de sa propre subjectivité afin qu’il rejoigne l’unité d’une communauté organique, fondée sur le sol et le sang. Une communauté enfin purifiée de tous les éléments étrangers qui la menacent.

Nous découvrons là l’autre face tyrannique du fantasme hitlérien. L’auto-sacrifice des Allemands ne suffit pas. Le passage à l’acte de ce fantasme exige aussi le sacrifice d’un objet, un petit peuple qui représente à la fois l’élément étranger et inassimilable mais aussi, paradoxalement, une part intime qui coexiste en chaque Allemand. En effet, comme le relève à juste titre Serge André à la suite de Léon Poliakov, l’antisémitisme moderne naît sur le terreau de l’émancipation. Affranchis des quartiers et des métiers auxquels ils étaient assignés, les Juifs cessent du jour au lendemain d’être identifiables. La menace qu’ils représentent croît à mesure qu’ils se fondent dans la foule et deviennent des Allemands (ou des Français) comme les autres. C’est à cette époque que commence à fleurir le mythe du juif trompeur, qui, par mimétisme, singe la culture ambiante pour mieux la travestir et l’asservir. Les efforts désespérés d’un Richard Wagner pour se démarquer à tout prix de ses contemporains Heinrich Heine ou Félix Mendelssohn, chez lesquels il détecte une sorte d’artificialité mécanique venue d’ailleurs, illustrent à merveille la menace que peut représenter un corps étranger lorsqu’il devient étrangement familier.

Dans cet ouvrage, Serge André explique comment, résidant dans un pays où ils s’étaient bien intégrés, les Juifs allemands incarnèrent de façon privilégiée cette position de doublure invisible et menaçante ; comment l’ethos sacrificiel et rédempteur, qui fut un trait dominant de la culture allemande, a été sublimé chez Wagner, dont l’influence sur le jeune Hitler fut déterminante ; comment l’histoire familiale de Hitler l’a amené à cristalliser sur sa personne un fantasme mortifère dont les éléments épars étaient charriés par la culture allemande ; et comment les dons oratoires de Hitler mis au service d’une structure perverse ont réussi à embraser tout un peuple.

Au centre de sa démonstration, l’auteur développe la notion de « logique sacrificielle » dont le nazisme a manifesté la résurgence au cœur même de la modernité. À la suite de nombreux ethnologues, Serge André avance l’idée que la fonction du sacrifice consiste avant tout à éloigner les formes de jouissance dangereuses, incompatibles avec les idéaux de la communauté. Or, qu’est-ce l’antisémitisme sinon le soupçon sans cesse renouvelé que les Juifs, élément étranger par excellence, détiennent « un accès particulier à la jouissance sous toutes ses formes ». Même la loi mosaïque n’est finalement qu’un paravent : « la loi dont se réclament les Juifs, loin de poser un interdit à l’égard de la jouissance, ne serait qu’un semblant de jouissance, voire un passe-droit pour la jouissance ». Dès lors, la tentation est grande de vouloir se séparer de cet objet éminemment dangereux, mais qui est également une part de soi-même, afin d’en faire offrande à un « Autre obscur à qui est désormais abandonné la jouissance éternelle de la vie ». C’est au nom de cette logique sacrificielle que les nazis ont entrepris la tâche démentielle d’exterminer à la chaîne des millions d’êtres humains comme on le ferait d’une vermine. Il ne s’agissait pas seulement de les dépouiller de leur humanité ou de les priver de leur vie, il s’agissait de leur soustraire cette jouissance supposée, sans laisser de traces, jusqu’à faire des Juifs de purs déchets.


Dans une époque dominée par la science et la technique, nous avons du mal à nous représenter ce phénomène qui a traversé le siècle comme une traînée de feu et dont nous sommes bien forcés de reconnaître la dimension religieuse. Car le nazisme fut bel et bien un phénomène religieux5. Que cette religion - avec ses rites sacrificiels (les camps de la mort), ses prêtres (les médecins et d’autres experts), ses prescriptions (la pseudo-biologie raciale) -, s’appuya principalement sur la technique, n’y change rien, bien au contraire. Comme le dit l’auteur de ce livre « Si la chasse, la pêche ont eu leurs divinités, pourquoi l’industrie et la technique n’auraient-elles pas la leur ? »

Ce dieu obscur, dont les nazis attendaient, sinon une bénédiction, du moins un signe providentiel, n’est certes pas le dieu de l’alliance. « Ne connaissant ni l’amour ni la loi mais seulement la jouissance », il rappelle plutôt ces dieux païens, les Baal et les Moloch, dont il n’est pas dit qu’ils ne puissent pas revenir sous une forme inattendue et monstrueuse, comme les avancées de la génétique le laissent présager. Serge André aurait souhaité approfondir sa réflexion sur les fondements de l’ordre politique, comme il le suggère dans certains passages de ce livre en évoquant Carl Schmitt et son principe de souveraineté. L’ouvrage de Georgio Agamben « Homo Sacer »6 l’avait particulièrement frappé et il le considérait dans le droit fil de sa réflexion. Le temps lui a fait défaut.

Serge André ne craignait pas de se mesurer à l’extrême. Les énigmes l’attiraient. C’était dans sa nature, disait-il, non sans ironie. Il cherchait inlassablement, avec les outils de l’analyse et le don de la parole, à reculer les frontières de l’indicible. Tout au long des séminaires qu’il donnait régulièrement à Bruxelles, on l’a vu tenter d’analyser et de nous faire découvrir la mélancolie de Céline, le délire d’Artaud ou le suicide de Mishima. De nous aider à traverser le miroir des apparences que d’autres hésitent à franchir. Il l’a sans doute payé de sa vie. Disparu trop tôt, beaucoup trop tôt, il laisse derrière lui un travail inachevé mais considérable dont l’avenir nous permettra de mesurer toute l’importance.

Michel Gross

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Jeu 18 Déc 2008 18:18
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Critique d’Alain Sueid


"Je suis peut-être l’un des derniersqui doivent vivre jusqu’au bout le destin de la spiritualité juive en Europe." Paul Celan (Correspondance, 1948)

Lacanien, auteur de "L’imposture perverse" (éditions du Seuil), Serge André est mort à 55 ans, laissant une oeuvre subtile, dont les interrogations restent ouvertes. On annonce la publication psthume de plusieurs de ses livres -dont un essai consacré à Artaud. Les Editions belges QUE pûblie son ouvrage majeur : "LE SENS DE L’HOLOCAUSTE -JOUISSANCE ET SACRIFICE". Les mêms éditeurs publient un ouvrage collectif dédié à la mémoire de Serge André : "LA PASSION DE LA VICTIME"

Serge André veut s’inscrire dans le droit fil de la pensée Lacanienne : nous naisson dans la "culture", non dans le quelque "métalangage ni dans une "Nature", un "Ouvert" éliogné des affres de la condition de petit d’homme. Dans cette aventure, le seul choix véritable résdide entre une vie authentique, consciente de nos "limites" et une alliénation au "maître", parfois dissimulée sous les oripeaux "révolutionnaires" ! Dans le cadre de cette fidélité, il a voulu se confronter au plus terrible et difficile des thèmes : l’Horreur occidentale de l’HOLOCAUSTE, la follie obsessionnelle de l’Hitlerisme, le MAL, dans sa montée à peine saisie de ses contemporains... L’anti-judaïsme de l’Eglise depuis Constantin, l’antisémitisme moderne soulignent le caractèree particulier de cette "haine" aussi "absurde" que durable : la leçon de la GENESE retrouvée notamment par Freud- dérange : la liberté personnelle est à conquérir à chaque instant... Non pas -comme le voulurent certaines "lectures" -à cause de quelque "faute originelle" mais dans la vive conscience du "défaut" -du manque- où nait le petit d’homme ! "Ni Dieu, ni maître" ne peuvent endiguer le "flot" de la cruelle réalité de notre être-pour-la-mort ! Pour l’auteur, "Hitler et le peuple allemand cherchaient à s’amputer d’une part originaire de leur être, en rapport avec une jouissance interdite". Comme le montrent, par ailleurs, les essais de Bela Grunburger, le "juif" désigne alors, dans le seul fantasme inconscient, cette instance intérieure qui "barre" la route de l’inceste, du retour à l’Archaïque dans une approche qui "tue" le "père" (ou son "symbole") et veut ignorer la "LOI", pour privilégier la "FOI" -dans le cas du nazisme, la foi en un "Fürher"... Comment ce dernier a-t-il pu entraîner un peuple EUROPEEN dans cette abjecte spirale de destruction inhumaine ? Le ressentiment avait grandi depuis la défaite de 1918. Dès les années 20, Hitler développe un délire antisémite. Obsessionnel. Selon Serge André, c’est ce caractère qui donnera sa forme à l’ordre bureaucratique et au vernis de religiosité de l’organisation Nazie. Le peuple et le "maître" se sont retrouvés dans cette follie narcissique et déshumanisée. Sanguinaire parce que liée à une fascination morbide sur le "sang" Allemand "pur" -comme débarrassé des apports extérieurs éliminant le "père" pour ne faire qu’avec la "mère" -le crime du "Serpent", niant Dieu pour ravir Eve ? L’auteur tente de noue la notion d’holocauste à l’Horreur des camps en soulignant l’aspect -selon lui- sacrificiel de la "solution fianle" : la "promesse" de la Nazification, c’est de "retrouver" l’unité (fantasmatique) paradisiaque APRES la mort de la "victime" ! Serge André étudie l’échec de l’émancipation des Juifs en Allemagne de Luther à Heidegger et relie l’Horreur à l’Histoire -mais son approche est d’abord psychanalytique. A ce titre, elle éclaire les débats contemporains et la nouvelle montée de l’Antisémitisme en Europe. A travers les époques, l’Homme ne démontre-t-il pas son incapacité irrémédiable à assumer une vraie liberté -celle-la même proposée par la GENESE- hors des contraintes que beaucoup d’entre nous croient combattre pour mieux s’y aliéner ? C’est l’une des interrogations de l’ouvrage posthume de Serge André.. On notera que certaines pages Lacaniennes portent la marque d’une approche forte et profonde de l’interrogation hébraïque. Certains de ses disciples ont su entendre et prolonger sa pensée -sans perdre leur spécificité. C’est l’un des mérites de l’essai ambitieux et tragique de l’auteur.

Ensemble varié de contributins, tour à tour littéraires, photographiques, artistiques et psychanalytiques, "LA PASSION DE LA VICTIME" s’interroge sur le M et SUR SON AVENIR, particulièrement dans le capitalisme néo-liberal. Lieven Jonckheere propose de faire revivre la figure d’OTTO GROSS, dont les conflits personnels auraient influencé certains textes de KAFKA. Alain Lercher évoque l" es "malgré-nous" alsaciens. Gérard Wajcman "démonte" les formes actuelles de l’antisionisme et la perversité en acte de certains articles du quotidien "Le Monde" -notemment les textes de MORIN, SALLENAVE, NAIR, justifiant les "human bomms" et reléguant la figure juive hors de l’humain. L’essai de Serge André "No sex, no future" conclut l’ensemble et entend suivre la leçon freudienne de "Malaise dans la Civilisation" et les thèses lacaniennes du séminaire "L’envers de la psychanaluse" en cherchant à les prolonger, à les appliquer à notre époque. La pseudo-libération sexuelle lui apparaît comme une perte de la libido aux profits des instincts sadiques et régressives. Or, c’est la frustration de la libido qui amène la violence du "passage à l’acte". En donnant ou en feignant de donner aux masses ce qu’elles sont censées attendre -dans le cadre onchangé de l’injustice social la plus évidente- les pouvoirs économiques et idéologiques hâtent le retour de régies durs ou délirants... Le renversement prétendu de la "victime" en "bourreau" s’inscrit dans ce complexe jeu social et inconscient que les "révolutionnaires" s’empressent de valider -par exemple dans le conflit proche-oriental. L’ambivalence de certaines "positions" intellectuelles peut dissimuler de cruelles violences : les "années folles" et "libérées ont mené à l’HORREUR sacrificielle.

Que nous réserve le 21è siècle supposé sans Dieu, ni "maître" ?
Alain SUIED

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Jeu 18 Déc 2008 18:19
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Critique de François Xavier
parue sur le site Lelitteraire.com

Qu’y a-t-il derrière l’horreur absolue ?

Historiens et philosophes ont tout dit sur l’Holocauste. Les témoignages ont rapporté au plus près les faits, les thèses, ont tenté d’en expliquer le fonctionnement, l’origine, le mécanisme et les enquêtes ont permis aux historiens de replacer le nazisme dans le contexte culturel et social de l’époque. Reste néanmoins un angle d’étude peu adopté jusqu’alors qui mène à l’indicible, et qui pourrait apporter la réponse à cette sempiternelle et obsédante question : pourquoi ? Une réponse qui gît peut-être dans les arcanes de l’inconscient, aux sources de l’origine, lieux que seul un psychanalyste peut pénétrer. Ce n’est en effet ni la philosophie ni l’histoire qui permettra d’aborder la question par le biais de la logique du sacrifice, mais bien la psychanalyse. Saura-t-elle exposer la jouissance interdite ? Parviendra-t-elle à expliquer la recherche d’une obscure Providence, sorte de dieu païen protecteur du Reich des mille ans à venir ? Au-delà de ces fantasmes d’absolu, pourra-t-on y lire pourquoi l’existence du peuple juif semblait poser un problème insoluble à l’Allemagne nazie, et ne trouver sa solution que dans la Shoah ? Certainement, car c’est s’intéresser à la signification des faits et non plus à leur seul enchaînement.

Pour comprendre la réalité du crime nazi, il faut commencer par l’irréaliser, par lui restituer sa dimension de drame qui échappa à ses acteurs eux-mêmes. Ce drame, dit Lacan, est lui-même une résurgence, un retour dans le réel de quelque chose que l’on croyait avoir dépassé, à savoir l’Holocauste, le sacrifice sous sa forme la plus monstrueuse. Nous voici donc aux portes de l’horreur nue. Pas de mots, pas de sons pour dire, décrire, évoquer ce que les victimes ont vécu, ont traversé dans leur chair et dans leur esprit... Face à la monstruosité les mots manquent. Mais ce n’est pas une raison pour l’occulter... d’autant que ce sont des êtres humains qui l’ont froidement mis en œuvre. Et nous voici au cœur du système : nous touchons à l’Horreur. Nous ne pouvons ignorer l’évolution qui a saisi nos sociétés, le fait que des spectateurs jouissent par exemple d’un film comme Massacre à la tronçonneuse. Nous ne devons point ignorer que la morale et l’effort de civilisation se fanent dans le bruit et la fureur. Nous devons reconnaître en notre semblable un autre être humain, et c’est à ce prix, et seulement à ce juste prix, porteur d’un immense malaise, fondamental et crucial, que nous obtiendrons les clefs nécessaires pour démonter la structure de nos fantasmes inconscients, et par conséquent l’appui que trouvent nos désirs. c’est alors que nous comprendrons que ces derniers tiennent bien à ce que nous puissions traiter notre semblable comme une chose ou comme un déchet. Le "crime contre l’humanité" doit donc faire partie intégrante de notre notion d’humanité, tout en sachant reconnaître que si nous nous sentons à notre aise dans le Bien (comme tente de le démontrer Kant), nous sommes attirés par le Mal et nous y ressentons des sensations étrangement plus fortes et plus enivrantes. Exterminer les Juifs était alors un fantasme ? Sans doute, et de là découlent aussi les nombreux problèmes liés aux effets des angoisses et des jouissances que rencontrèrent les nazis dans leur travail d’extermination ... Il fallait tuer pour jouir, il fallait tuer pour se libérer.

Car Hitler semblait persuadé qu’à cause des Juifs les Allemands ne pouvaient être "unis vers" le but suprême, ce mirage de l’Un qui se dessine derrière la discipline qui s’instaure comme seul ciment d’une société à la dérive. Hitler veut créer une religion nouvelle pour cimenter la population autour du mythe du Reich, ainsi cette structure fantasmatique commande-t-elle un double sacrifice pour le sujet qui s’y insère et pour l’autre dont il fait son partenaire. D’un côté, le nazi doit faire le sacrifice de sa propre subjectivité offerte à l’unité de la communauté, il doit n’être que l’instrument docile de l’impératif de la Nature qui commande le "combat racial primitif, naturel et originel." (Discours secrets, H. Himmler, Gallimard, 1978). Sa fonction est d’être le tranchant de la hache dont le manche est actionné par la Nature. D’où l’importance cruciale de l’obéissance et de la fidélité. De cette manipulation ésotérique et psychologique du fantasme hitlérien naît ensuite, en toute logique, d’un autre côté, le passage à l’acte car l’auto-sacrifice des Allemands ne suffit pas ; il faut désormais nommer l’objet sur lequel décharger toute l’ire engrangée : le Juif. On va sacrifier ce petit peuple qui représente à la fois l’élément étranger et inassimilable mais aussi, paradoxalement, une part intime qui coexiste en chaque Allemand. Hitler n’impose pas le sacrifice à la nation allemande : il prétend que ce désir de sacrifice a de tout temps été celui de l’Allemagne et il s’en fait le porte-parole, ou plus exactement le porte-voix, afin de l’aider à mieux le satisfaire. (...) L’idée hitlérienne est celle d’une élection fondamentalement maternelle : dans l’optique du nazisme, le peuple élu est une communauté biologique, un Tout organique unifié par le sang (qui doit d’ailleurs être versé pour confirmer son caractère sacré) ancré dans un sol naturel et constitué en foule amassée autour du commandement de la voix... L’antisémitisme moderne est bien né de l’émancipation : le fait que les Juifs se soient parfaitement intégrés, qu’ils ne soient plus identifiables démontrent bien la menace qu’ils représentent (sic). Le discours de l’antisémitisme consiste précisément à accuser les Juifs de détenir un accès particulier à la jouissance sous toutes ses formes. L’antisémitisme considère en somme que la loi dont se réclament les Juifs (...) loin de poser un interdit à l’égard de la jouissance, ne serait qu’un passe-droit pour la jouissance. Cet ethos sacrificiel et rédempteur, qui fut un trait dominant de la culture allemande, sublimé chez Wagner, aura une influence déterminante sur le jeune Hitler. Or, la valeur hautement spirituelle de la pensée juive, tient au fait que, contrairement à l’antisémite pour qui l’être juif est chose certaine même si son existence est difficile à saisir, le Juif est quelqu’un pour qui être juif reste toujours une question jamais résolue, tandis que son existence, elle, est sûre.

Serge André signe ici son Grand Œuvre, un travail titanesque qui l’a conduit à s’attaquer à l’extrême, à oser se mesurer aux limites. Témoin, ce livre, qui devrait être inscrit au programme de toutes les classes de terminale dans le monde entier... Serge André a toujours cherché, avec les outils de l’analyse, à sonder l’indicible. Tout au long des séminaires qu’il donnait régulièrement à Bruxelles, on l’a vu aborder la mélancolie de Céline, le délire d’Artaud, le suicide de Mishima. Mais ici la folie du non-être aura été décuplée à l’infini, structurée, anoblie en quelque sorte dans un jeu de rôle qui dépasse tout. Serge André est parvenu à traverser le miroir des apparences : il l’aura payé de sa vie. Victime de troubles neurologiques et de désordres physiologiques graves à la suite de ses recherches, de ses découvertes au cours de cette enquête sur l’Holocauste, il s’en est allé... Trop tôt. Il laisse des centaines de pages, signes épars d’un travail inachevé mais considérable que nous mettrons du temps à découvrir.

François Xavier, le 11 septembre 2004 -

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Jeu 18 Déc 2008 18:21
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Le sens de l’Holocauste - Jouissance et sacrifice
Voir la préface de Michel Gross



Si ce livre aborde l’Holocauste par le biais de la logique du sacrifice, ce n’est pas seulement pour en dégager le sens possible (même si l’idée qu’il puisse avoir un sens est déjà de trop pour ceux qui ont vécu l’horreur dans leur chair), c’est aussi pour interroger ce que la psychanalyse peut nous permettre de dire du sacrifice comme moyen de fondation d’une communauté humaine.

En voulant éliminer les Juifs, Hitler et le peuple allemand cherchaient bien à s’amputer d’une part originaire de leur être, en rapport avec une jouissance interdite. Malgré son caractère apparent d’opération technique, la destruction des Juifs visait à flatter une obscure Providence dont, en échange, un signe d’élection était attendu. Serge André ne souhaitait pas, par ce livre, promouvoir une certaine forme de « philosémitisme » qui ferait contrepoids à « l’antisémitisme ». Philosémitisme et antisémitisme sont à ranger dans le même sac de malentendus et d’aveuglements qui nous empêchent de réaliser ce qu’il y a de radicalement autre dans la dimension de la question que pose à notre univers, l’existence et la persistance du peuple juif. À cause des Juifs, nous ne pouvons être « unis vers » - vers quoi ? Peu importe le terme que l’on placera ici comme désignant un but idéal. Disons : unis vers l’Un. La psychanalyse pourrait bien être, non pas l’explication du judaïsme, mais ce qui vient en prendre le relais ou ce qui vient en relancer la tradition dans notre monde contemporain, alors que les Juifs eux-mêmes sont devenus ignorants de ladite tradition, voire l’ont toujours été, et que les chrétiens la récupèrent en la déformant, c’est à dire en lui donnant la forme du symptôme obsessionnel collectif qu’est la religion.

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Jeu 18 Déc 2008 18:21
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Suite à ces longs développés de ces auteurs, je me souviens alors d'une phrase "choc" que prononça Daniel Sibony lors d'un symposium dont le thème était l'antisémitisme, symposium de "L'alliance universelle Israélite" il dit ceci :

"Le judaisme est l'empêcheur de jouir en rond de l'humanité"

Cette phrase qui venait après les longs développés de la journée, ponctuait de façon condensée et synthétique tout ce qui pouvait s'en dire.

Je me souviens aussi de quelques phrases de Primo Levy dans son livre " naufragés et rescapés" où il rappelle de quelle façon, dans les camps d'exterminations, les nazis liaient par leur paroles adressées aux Juifs l'effacement de toutes mémoires à venir, bien que matériellement quasi impossible, la possibilité du révisionnisme était déjà induite dans leur discours.

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Jeu 18 Déc 2008 18:22
Message Re: Le génocide des Tziganes.
J'ajoute que Daniel Sibony parle bien du judaisme et non des juifs ou de l'entité "peuple Juif", je crois qu'ici on peut discerner avec précision tout l'écart qui s'opère entre la dimension universelle du judaisme qui intéresse l'humanité entière dans " cette possibilité de ne pas jouir en rond" et la dimension projective qui s'empare du nazisme à l'égard des Juifs et du "peuple Juif", le crime à leur sens consistant simplement à en être né et à désigner en responsabilité à cet "empêchement à jouir en rond" cette naissance en tant qu'être humain estampillé, marqué d'une étoile, puis de quelques chiffres inscrits en tatouages dans une "peau d'objet".
Jeu macabre et délirant s'il en est, puisque les camps de la mort furent le lieu "du jouir en rond" pour les nazis, avec comme "combustible" moteur à leur jouissance, les personnes même qui étaient désignées comme cet empêchement.

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Jeu 18 Déc 2008 19:10
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Donc les nazis n'auraient été que "l'aboutissement" de la logique du "reste du monde" qui en veut au judaïsme parce qu'il "l'empèche de jouir en rond" ? T’es sûr(e) ?

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Jeu 18 Déc 2008 19:12
Message Re: Le génocide des Tziganes.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram


Stanley Milgram a mené dans les années 50/60 des expériences visant à déterminer où finit la soumission à l'autorité et où commence la responsabilité de l'individu ; comment concilier les impératifs de l'autorité avec la voix de la conscience.

S. Milgram s'est penché sur des évènements pendant lesquels des atrocités, découlant d'une extraordinaire soumission à l'autorité, ont été pratiquées. Il a notamment mené des investigations sur les atrocités menées par les nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Il a mis en avant le fait que ces pratiques pouvaient se retrouver dans la vie courante sous différentes formes.

Il existe en effet chez l'homme une propension naturelle à se soumettre à l'autorité et à se décharger sur elle de sa propre responsabilité. S. Milgram souhaitait en écrivant ce livre engager chez ses lecteurs une compréhension profonde de l'importance de l'autorité dans notre vie pour abolir la notion de l'obéissance aveugle.

Il démontre en particulier :

- que la disparition du sens de la responsabilité individuelle est de très loin la conséquence la plus grave de la soumission à l'autorité.

- que la justification des actes par ceux qui les commettent en obéissant, ce que l'on appelle aussi la rationalisation, ne compte pas. Seule l'action est une réalité : "Tant qu'ils ne sont pas convertis en actes, les sentiments personnels ne peuvent rien changer à la qualité morale d'un processus destructeurs".

2) Au sujet de l'obéissance

L'obéissance est un des éléments fondamentaux de l'édifice social. Toute communauté humaine nécessite un système d'autorité, c'est le ciment qui lie les hommes aux systèmes d'autorité. Les personnes sont plus ou moins conditionnées dès l'enfance à se soumettre. Cette tendance à la soumission, fortement ancrée chez certains, l'emporte souvent sur l'éthique, l'affectivité, les règles et choix de conduites.

L'extermination des juifs par les nazis reste l'exemple extrême d'actions abominables accomplies par des milliers d'individus au nom de l'obéissance. Mais à un autre degré cela se reproduit constamment.

La question de l'autorité renvoie à la rébellion, la déviance, qui est perçue comme mettant en péril l'édifice social. La plupart des personnes pensent que "Mieux vaux se soumettre à une mauvaise décision prise en haut lieu, qu'ébranler l'édifice social".

Le dilemme sur la responsabilité :

- Certains vont rationaliser en disant que la responsabilité incombe au donneur d'ordre,
- les humanistes mettent en avant la conscience individuelle et soutiennent que l'éthique personnelle doit primer sur l'autorité.

Ce problème peut être considéré sous l'aspect philosophique et légal, S. Milgram a voulu se baser sur l'observation rigoureuse d'exemples vivants.

L'expérience qu'il a réalisée à l'université de Yale a été reprise dans diverses universités avec la participation d'un millier de sujets.

L'expérience de départ était simple.



3) L'expérience

Les sujets sont des volontaires recrutés par annonce, qui perçoivent une somme d'argent. Ils ne savent pas sur quoi porte réellement l'expérience ; on leur a dit qu'il s'agissait d'une banale expérience sur la mémoire et l'apprentissage.


Le but est de savoir jusqu'à quel point précis chaque sujet suivra les instructions de l'expérimentateur, alors que les actions qu'on lui demande d'exécuter vont entrer progressivement en conflit avec sa conscience.


L'expérimentateur fait entrer deux personnes dans une pièce et leur explique que l'une sera "expérimentateur" et l'autre l"élève", et qu'il s'agit d'étudier les effets de la punition sur le processus d'apprentissage.

L'expérimentateur emmène l'élève dans une pièce, l'installe sur une chaise munie de sangles qui permettent de lui immobiliser le bras pour empêcher tout mouvement désordonné et lui fixe une électrode au poignet. Il lui dit qu'il va devoir apprendre une liste de couples de mots ; toutes les erreurs qu'il commettra seront sanctionnées par des décharges électriques d'intensité croissante.

Le véritable sujet de l'étude est le moniteur, qui après avoir assisté à l'installation de l'élève, est introduit dans une salle du laboratoire où il prend place devant un impressionnant stimulateur de chocs. Celui-ci comporte une rangée de 30 manettes qui s'échelonnent de 15 à 450 volts par tranche d'augmentation de 15 volts et sont assorties de mentions allant de "choc léger" à "attention choc dangereux".

On invite alors le moniteur à faire passer le test d'apprentissage à l'élève qui se trouve dans l'autre pièce. Quand la réponse de l'élève est correcte il doit passer au couple de mots suivant. S'il se trompe, il doit lui administrer une décharge électrique en commençant par le voltage le plus faible, et augmenter progressivement (par tranche de 15 volts).

Le moniteur est un sujet naïf qui ne sait pas que le rôle de l'élève est en fait tenu par un acteur qui ne reçoit en réalité aucune décharge électrique.

A quel instant précis va-t-il refuser d'obéir à l'expérimentateur ?

Le conflit surgit quand l'élève commence à donner des signes de malaise qui vont devenir de plus en plus pathétiques en fonction de l'augmentation du voltage :

- à 75 Volts il gémit,
- à 120 Volts, il formule des plaintes en phrases distinctes,
- à 150 Volts, il supplie qu'on le libère,
- à 285 Volts, sa seule réaction est un cri d'agonie.

Les sujets (qui on le rappelle croient que la souffrance qu'ils infligent est réelle) ont tous eu du mal à exprimer à quel point l'expérience était poignante ; ils sont divisés entre les manifestations de souffrance et supplications de l'élève - qui vont jusqu'aux hurlements et aux silences laissant supposer une syncope - et l'ordre de l'expérimentateur, représentant une "autorité légitime" et à laquelle ils se sentent engagés. A chaque fois qu'un sujet hésite à envoyer la décharge, il reçoit l'ordre de poursuivre.

) Les Résultats de l'expérience

Stanley Milgram qualifie les résultats de : "inattendus et inquiétants", car aucun des participants n'a eu le réflexe de refuser et de s'en aller. Et une proportion importante d'entre eux a continué jusqu'au niveau de choc le plus élevé du stimulateur.

S. Milgram en déduit que :

- Le mal pouvait être perçu comme banal et que ceux qui avaient administré les chocs les plus élevés l'ont fait car il s'y croyaient contraints moralement de par l'idée qu'ils se faisaient de leur obligation. Il a considéré que les pulsions agressives étaient en la circonstance peu en cause.

S. Milgram consacre quelques pages à démontrer que l'agression n'est pas à la source des comportements des sujets (205 à 208) ; qu'ils n'ont pas profité de l'expérience pour assouvir des pulsions sadiques.

Nota : Je pense personnellement qu'il a peut-être un peu négligé ce facteur, au regard de ce que l'on connaît sur les comportements pervers.
(cf. : MF Hirigoyen)

- Le conditionnement de chaque personne, avec toutes ses inhibitions s'oppose à la révolte et arrive à maintenir chacun au poste qui lui a été assigné.

- La mise en scène et les moyens exposés ont suffi à neutraliser efficacement les facteurs moraux.

4-1)Qu'est-ce qui rend le sujet aussi obéissant ?

-> Le désir de tenir la promesse faite au début à l'expérimentateur et d'éviter tout conflit.

Le sujet perçoit l'expérimentateur comme ayant une autorité légitime au regard de sa position socioprofessionnelle, des études qu'il est censé avoir faites... Refuser d'obéir, serait un manquement grave aux règles de la société, une transgression morale. Il éprouve une forte angoisse à l'idée de rompre ouvertement avec l'autorité.

La perspective de cette rébellion et du bouleversement d'une situation sociale bien définie qui s'en suivra automatiquement constitue une épreuve que beaucoup d'individus sont incapables d'affronter.

-> La tendance pour l'individu à se laisser absorber par les aspects techniques immédiats de sa tâche, lui faisant perdre de vue ses conséquences lointaines.

-> l'abandon de toute responsabilité personnelle en se laissant instrumentaliser par le représentant de l'autorité.

-> Le souhait de se montrer "digne" de ce que l'autorité attend de lui...

Certains voient les systèmes érigés par la société comme des entités à part entière. Ils se refusent à voir l'homme derrière les systèmes et les institutions. Quand l'expérimentateur dit : "l'expérience exige que vous continuiez", le sujet ne se pose pas la questions : "l'expérience de qui ? ". Pour certains "l'Expérience" était vécue comme ayant une existence propre.

-> La capacité à justifier psychologiquement l'acte cruel en dévalorisant la victime.
Beaucoup de sujets trouvaient nécessaire de déprécier la victime "qui s'était elle-même attiré son châtiment par ses déficiences intellectuelles et morales". Stanley Milgram rappelle aussi que l'extermination des Juifs avait été précédée d'une violente propagande antisémite.

-> Le besoin ressenti de continuité de l'action : le fait de poursuivre jusqu'au bout rassure le sujet sur le bien fondé de sa conduite antérieure. Il neutralise ainsi son sentiment de malaise (sa mauvaise conscience) vis à vis des précédentes actions avec les nouvelles.

C'est ce processus fragmentaire qui entraîne le sujet dans un comportement destructeur.

-> La difficulté à transformer convictions et valeurs en actes.

Certains sujets étaient cependant hostiles dans une certaines mesure à l'expérience. Ils protestaient sans cesser toutefois d'obéir.
Les manifestations émotionnelles observées en laboratoire (tremblements, ricanements nerveux, embarras évident) prouvent que le sujet envisage d'enfreindre les règles.

-> La facilité à nier sa responsabilité quand on est un simple maillon intermédiaire dans la chaîne des exécutants d'un processus de destruction et que l'acte final est suffisamment éloigné pour pouvoir être ignoré.

-> La fragmentation de l'acte humain total permet à celui qui prend la décision initiale de ne pas être confronté avec ses conséquences.

La fragmentation de l'acte social est le trait commun le plus caractéristique de l'organisation sociale du mal.

L'individu ne parvient pas à avoir une vue d'ensemble de la situation, il s'en remet à l'autorité supérieure.

-> D'autres variantes de l'expérience ont également démontré que la soumission à des ordres destructeurs dépend en partie du degré de proximité de l'autorité par rapport au sujet.

D'autres éléments sont à prendre en compte dans le processus de l'obéissance :

Les causes profondes de l'obéissance sont inhérentes aussi bien aux structures innées de l'individu qu'aux influences sociales auxquelles il est soumis depuis sa naissance. Stanely Milgram renvoie à différentes approches comme la thèse évolutionniste et l'adaptation, la théorie sur les effets de groupe.

Et notamment :

. La définition claire du statu de chacun pour maintenir la cohésion de la bande.

. La propension de chaque individu à se rallier au groupe même quand il a irréfutablement tort. (S. Milgram renvoie ici aux expériences menées par E. Asch).

. La volonté des personnes à vouloir s'intégrer dans la hiérarchie, et les modifications conséquentes de comportements qui vont s'en suivre. Ce que S. Milgram appelle : "l'état agentique". Cet état qualifie l'individu qui se considère comme l'agent exécutif d'une volonté étrangère par opposition à l'état autonome dans lequel il estime être l'auteur de ses actes.

. Ce processus est en rapport avec une structure de récompense. La docilité rapporte à l'individu une récompense, alors que la rébellion entraîne le plus souvent un châtiment.

S. Milgram rappelle aussi que parmi les nombreuses formes de récompenses décernées à la soumission inconditionnelle, la plus ingénieuse reste celle qui consiste à placer l'individu dans une niche de la structure dont il fait partie. Cette "promotion" a pour but principal d'assurer la continuité de la hiérarchie.

. L'identification de l'autorité à la norme.

. La légitimation d'un contrôle social par une 'idéologie justificatrice. "Lorsqu'on est à même de déterminer le sens de la vie pour un individu, il n'y a qu'un pas à franchir pour déterminer son comportement". Tout en accomplissant une action, le sujet permet à l'autorité de décider à sa place de sa signification.

Cette abdication idéologique constitue le fondement cognitif essentiel de l'obéissance.



4-2)Tension et désobéissance

Quelles ont été les sources de tension chez les sujets ?

- les cris de douleurs de l'élève provoquant une réaction spontanée,

- la violation des valeurs morales et sociales inhérente au fait d'infliger des souffrances à un innocent,

- la menace implicite de représailles par la victime, certains sujets craignant que leur conduite soit répréhensible sur le plan légal,

- la dualité provoquée par la contradiction des exigences reçues simultanément par l'expérimentateur et l'élève (la victime),

- l'incompatibilité de l'image qu'ils ont d'eux même pendant l'action avec celle qu'ils se font d'eux même.

La tension éprouvée par les sujets ne montre pas la puissance de l'autorité mais au contraire sa faiblesse. Pour certains la conversion à l'état agentique n'est que partielle. Si son intégration dans le système d'autorité était total, le sujet n'éprouverait pas d'anxiété en exécutant les ordres aussi cruels soient-ils.

Tout signe de tension est la preuve manifeste de l'échec de l'autorité à convertir le sujet à un état agentique absolu.

Le pouvoir de persuasion du système d'autorité mis en place au laboratoire est évidemment sans commune mesure avec ceux des systèmes tout-puissants, comme les structures totalitaire d'Hitler et de Staline. Dans ces structures les subordonnés s'identifiaient avec leurs rôles.

S. Milgram compare l'absence de conscience des sujets pendant l'expérience, à un sommeil dans lequel les perceptions et réactions sont considérablement diminuées, mais pendant lequel un fort stimuli peut faire sortir l'individu de sa léthargie.

L'état produit en laboratoire peut être assimilé à un léger assoupissement en comparaison de l'engourdissement profond suscité par le système d'autorité tout-puissant d'un gouvernement.


Quels sont les mécanismes qui permettent la résolution de la tension ?

- Le refus d'obéissance.
Mais peu d'individus en sont capables car il choisissent des moyens moins radicaux et plus faciles pour réduire leur tension.

- La dérobade est le plus primitif de ces mécanismes.
C'est le plus répandu car le plus facile. Le sujet tente de se dissimuler les conséquences de ses actes.

Une autre forme de la dérobade consiste à se désintéresser de la victime. Elle vise l'élimination psychologique de la victime comme source de malaise.

- Le refus de l'évidence.
Proche de la dérobade, ce mécanisme a pour but de prêter une fin plus heureuse aux évènements. C'est une force de persuasion aussi bien pratiquée par les bourreaux que par les victimes.

S. Milgram rappelle que confrontés à une mort éminente, les Juifs ne pouvaient pas accepter la réalité aveuglante du génocide.
Dans cette expérience, certains sujets ont nié le caractère douloureux des chocs ou la réalité de la souffrance de la victime.

Mais le comportement le plus répandu durant l'expérience est :

- Le refus de leur propre responsabilité.

C'est le comportement de rationalisation par excellence, qui s'exprime par différentes voix : la justification de la légitimité de l'expérience, le dénigrement de la victime, mais aussi certains "aménagements" avec les ordres.

- Certains sujets ont utilisé des subterfuges afin de diminuer leur tension.
Cette façon d'aménager l'ordre reçu n'est en fait qu'un baume sur la conscience du sujet. C'est une action symbolique révélant l'incapacité du sujet à choisir une conduite en accord avec ses convictions humanitaires, mais qui l'aide à préserver son image.

. Sans rejeter les ordres, certains sujets ont essayé d'en diminuer la portée, par exemple, en envoyant quand même la décharge électrique ordonnée, mais en diminuant le temps, ou l'intensité. D'autres essayaient de faire comprendre à l'élève quelle était la bonne réponse par des intonations de voix.

. D'autres sujets ont exprimé leur désaccord, tout en continuant d'appliquer les ordres.

- Les manifestations psychosomatiques : les manifestations physiques du stress permettent d'évacuer la tension.

S. Milgram déduit de ces observations le but ultime que les sujets s'efforcent d'atteindre :

En réduisant à un degré supportable l'intensité du conflit que le sujet éprouve, ces mécanismes lui permettent de conserver intacte sa relation avec l'autorité.


4-3) Processus de la désobéissance :

La désobéissance est le moyen ultime d'abolir la tension

Désobéir est un acte très anxiogène, il implique non seulement le refus d'exécuter un ordre, mais de sortir du rôle qui a été assigné à l'individu (ici au sujet). Ce qui crée à une petite échelle une forme d'anomie.

Alors que le sujet obéissant rejette sur ce dernier la responsabilité de son action, le sujet rebelle accepte celle de détruire l'expérience. Il peut avoir l'impression corrosive de s'être rendu coupable de déloyauté envers la science.

Ce processus suit de pénibles étapes :
- le doute,
- l'extériorisation du doute,
- la désapprobation,
- la menace de refus d'obéissance,
- la désobéissance.

Ce processus est le difficile chemin que seule une minorité d'individu est capable de suivre jusqu'à son terme. S. Milgram insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une démarche négative, mais au contraire d'un acte positif, d'une volonté délibérée d'aller à contre-courant :

"La désobéissance exige non seulement la mobilisation des ressources intérieures, mais encore leur transformation dans un domaine situé bien au-delà des scrupules moraux et des simples objections courtoisement formulées : le domaine de l'action.
On ne peut y accéder qu'au prix d'un effort psychique considérable."

5) Conclusions

Tout être possède une conscience qui endigue avec plus ou mois d'efficacité le flot impétueux de ses pulsions destructrices. Mais quand il s'intègre dans une structure organisationnelle, l'individu autonome cède la place à une créature nouvelle privée des barrières dressées par la morale personnelle, libérée de toute inhibition, uniquement préoccupée des sanctions de l'autorité.

Pour le promoteur de l'expérience les résultats sont perturbants. Ils incitent à penser qu'on ne peut faire confiance à l'homme en général ou, plus spécifiquement au type de caractère produit par la société démocratique pour mettre les citoyens à l'abri des cruautés et des crimes contre l'humanité dictés par une autorité malveillante.

A une très grande majorité, les gens font ce qu'on leur demande de faire sans tenir compte de la nature de l'acte prescrit et sans être réfrénés par leur conscience dès lors que l'ordre leur paraît émaner d'une autorité légitime.

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Jeu 18 Déc 2008 19:20
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Il est à noter :

1) Que Milgram démontre très bien que la monstrueuse parcelisation des responsabilitées dans la machine nazie n'amenait que les derniers membres de la "chaine" à êtres confrontés à la réalité de l'extermination des juifs.

2) Que, bien que celà ne minore en rien l'horreur des crimes commis, les nazis étaient conscient qu'un être humain "normalment constitué" ne pouvait supporter l'horreur des camps (je parle des bourreaux, bien sur) qu'un "certain laps de temps",après lquel les cas d'alcoolisme, dépressions ect devenaient fréquents chez les bourreaux ...Il fallait donc, même chez les pires éléments, un "turn over"...Après, évidemment, Rudolf Höß dont Robert Merle décrit très bien le fonctionnement "interne" dans "la mort est mon métier" faisait partie des exceptions "increvables"...

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Ven 19 Déc 2008 07:51
Message Re: Le génocide des Tziganes.
Pour en revenir à certaines analyses de Daniel Sibony, je vous laisse découvrir ce texte " témoigner" dans son blog :

http://danielsibony.typepad.fr/danielsi ... evisi.html

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